Il y a quelques semaines encore, le terme coronavirus était, dans nos esprits, essentiellement associé à Wuhan, province chinoise où le virus serait apparu en premier.
Côté CSE (comités sociaux et économiques), c’était l’ébullition. Les beaux jours approchant, les projets de voyages et séjours de groupes étaient en cours de finalisation. Parcs d’attractions, city-break, aux côtés des élus en charge des activités sociales et culturelles, Le Bonheur en Boîte bouclait les projets en cours.
Si l’ancienne Ministre de la Santé, Mme Buzyn, assure avoir prévenu l’exécutif dès le mois de janvier, ce n’est qu’à partir de début mars que la population française a commencé d’être alarmée. Passant de l’état d’insouciance à l’urgence absolue : en 4 jours. Arrêtant dans leur élan, les élus CSE, les prestataires CSE, et l’ensemble des salariés bénéficiaires.
Table des matières
Les 4 stades de gestion d’une épidémie en France
La pandémie de grippe A 2009 en France a conduit à l’adoption d’un plan de gestion de crise sanitaire pour aider à la préparation et à la prise de décision. Ce plan national de prévention et de lutte identifie 4 phases principales et objectifs :
- le stade 1 : freiner l’introduction du virus sur le territoire
- le stade 2 : freiner la propagation du virus, on en est encore, ici, à des cas isolés et foyers de la maladie
- le stade 3 : atténuer les effets de la vague épidémique. Ce stade au-dessus indique une montée en puissance du nombre de cas au niveau national.
- le stade 4 : retour à la situation antérieure
Il est intéressant et rassurant de savoir qu’un manifeste de gestion de crise sanitaire existe au niveau national.
Légalement, un document de prévention existe également dans les entreprises, notamment pour assurer la santé et la sécurité des salariés sur leur lieu de travail. À l’époque de la grippe A, de nombreuses entreprises et leurs CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) avaient alors conçu des plans d’action visant à aller plus loin que le traditionnel plan annuel de prévention, afin de faire face à l’épidémie de l’époque et toute éventuelle autre crise sanitaire à venir.
À défaut d’avoir été actualisé au cours de ces 10 dernières années, les plans existants devront servir de base de travail aux employeurs et élus CSE pour faire face à la pandémie covid19. Cette réflexion sera d’autant plus importante dans les entreprises appelées à adopter un plan de continuité d’activité.
Fin janvier 2020 – coronavirus, stade 1
Le virus n’est encore, dans nos esprits, que chinois. Pourtant, pour les voyages scolaires à cette période, je fais partie des parents qui équipent leurs enfants de gels hydroalcooliques. Je n’imaginais pas, alors, que ce petit tube serait bientôt, une denrée rare : il ne m’est même pas venu à l’esprit de faire des provisions.
Les tous premiers cas de la maladie sont apparus en France toute fin janvier, le 24. Mais il semblait toujours y avoir un lien avec la Chine (exemple : un touriste chinois en France), et l’âge des malades (plus de 80 ans pour ce monsieur, emporté par le mal quelques semaines plus tard).
Le 30 janvier, l’OMS déclare l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur de l’OMS, souligne dans un tweet, que l’inquiétude va au-delà de ce à quoi on assiste en Chine et prédit une envergure internationale significative.
À cette date, on compte 170 morts en Chine et un 5ème cas de maladie est confirmé en France. L’Italie fait état de 2 patients diagnostiqués positifs au virus. En Italie comme en France, les vols directs en provenance ou en direction de la Chine continentale sont suspendus.
Les scientifiques Italiens estiment que, à cette date, le virus était déjà en cours de développement dans leur pays. Rien ni personne ne peut assurer qu’il n’en était pas de même dans l’hexagone.
À cette date, Mme Buzyn, alors Ministre de la Santé, exprime ses préoccupations au Gouvernement. Le Premier Ministre, M Edouard Philippe a posteriori, expliquera que « beaucoup de médecins n’étaient pas d’accord avec elle ».
La France organise le rapatriement de ses ressortissants mais, comme en témoignent certains touristes de retour, leur confinement n’est pas systématique.
La suspension des transports aériens et la mise en quarantaine font partie des mesures fortes préconisées au stade 1 du plan de prévention et de lutte.
Courant février 2020 passage au stade 2
Au mois de février, pour tous, le coronavirus semblait être un virus lui-même confiné ailleurs. Notamment en Chine. Et tout fraîchement, dans le Nord de l’Italie, bien que déjà présent en France.
Le Bonheur en Boîte partait en repérage au Portugal en prévision d’un voyage de groupe CSE prévu quelques semaines plus tard. Dans les aéroports, déjà, quelques affiches de sensibilisation. À peine une poignée de passagers masqués : nous en avons croisé 3, au retour de Lisbonne, dans un hall d’attente bondé pour cause d’avions retardés ou annulés (aucun rapport alors avec le virus). Ces passagers apparaissaient comme des bêtes un peu curieuses.
Aucune véritable angoisse.
Du 17 au 24 février, près de 3000 personnes se rassemblent à Mulhouse dans le cadre d’un événement religieux. L’histoire ne dit pas si des prières ont été dites contre le virus qui avait déjà fait des milliers de morts en Chine et de nombreuses dizaines en Italie… Ce qui est certain, par contre, c’est que ce rassemblement fut ensuite identifié comme source de plusieurs contaminations en France.
Les cas de maladies identifiés parmi les fidèles de ce rassemblement ont permis de se focaliser sur ceux qui étaient de la partie. Mais à cette même période, partout ailleurs dans le pays, il y eut des rassemblements, probablement de plus forte envergure encore. Et probablement bien d’autres foyers de contaminations massives. Ainsi, le Salon de l’Agriculture, destination très plébiscitée par les groupes CSE, associations et seniors, bat son plein. Les organisateurs annoncent avoir accueilli 482 221 visiteurs pour l’édition 2020 qui s’est tenue du 22 février au 29 février, écourtée d’un jour du fait de la propagation du virus.
La France passe au stade 2 de l’épidémie le 28 février : 57 cas de maladie sont enregistrés dans le pays à cette date. Le Salon de l’Agriculture, est sommé de fermer ses portes un jour plus tôt, dès le 29/02, lendemain du passage au stade 2.
Côté agences de voyages, l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST) commence à donner des recommandations à ses adhérents sur l’épidémie en cours et anticipe les demandes d’annulations massives.
Mars : une sourde angoisse qui va crescendo. Le stade 3.
Les premières annulations de voyages
Dans le cadre de voyages de groupes organisés, j’entends les premières inquiétudes dès le lundi 02 mars. Des séjours de groupes sont prévus à Disneyland Paris dans quelques jours. Dans mes échanges avec les élus CSE, je devine que des tensions se créent entre collègues, et même, dans les familles. Certains veulent maintenir leurs voyages, depuis si longtemps attendus, d’autres optent pour plus de prudence. Ce qui au départ, était supposé être une parenthèse de bonheur, se transforme en source de conflits : certains sont jugés de paranoïaques, par ceux-là mêmes qui les trouvent inconscients.
Les premières demandes d’annulations de voyages de groupes arrivent. Très souvent, la décision finale est prise en haut lieu, par la Direction. Car oui, il est utile de le rappeler, c’est avant tout à l’employeur d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs (art. L. 4121-1 du code du travail).
Compte-tenu des pertes importantes pour les clients en cas d’annulation, Le Bonheur en Boîte propose systématiquement des reports de séjours. Les professionnels du voyage, tels que le garant financier APST et l’organisme EDV exhortent d’ailleurs leurs adhérents à favoriser les reports.
Disneyland Paris, parc d’attractions à la plus forte affluence en France, propose déjà des mesures de reports de séjours sans frais aux clients et opérateurs de voyages inquiets de l’épidémie qui semble inévitable. Le parc à thème, en lien avec les autorités, reste malgré tout ouvert à son très large public.
Dès le 5 mars, la France interdit les rassemblements de plus de 5000 personnes. De par le pays, les parcs d’attractions, les châteaux et autres lieux touristiques sont cependant toujours ouverts, les concerts et autres représentations se poursuivent, les cinémas continuent de drainer du monde… Au concert auquel j’ai assisté le 05 mars, les artistes nous ont félicités pour notre courage : la salle qui nous accueillait était d’une capacité maximale de 2500 personnes.
Le dimanche 08 mars matin, ma principale préoccupation est encore de savoir quel est le meilleur créneau pour aller faire mes brasses dominicales : 09h00 à l’ouverture? ou plutôt 11h30, juste au moment où le plus grand nombre quitte la piscine?
Sourde d’abord, puis carrément plus franche dès le début de la 2e semaine du mois de mars, l’anxiété a pris le pas.
La fermeture des établissements scolaires
12 mars : Disneyland Paris assure que le parc restera ouvert et que des mesures exceptionnelles sont mises en place.
12 mars au soir, allocution de M le Président, Emmanuel MACRON. La présence du virus est déjà confirmée en France, mais l’atmosphère reste très sereine : le pays déplore près de 2300 cas confirmés et déjà, 48 décès.
Très honnêtement, même après ce discours, et malgré l’information que les élèves seraient privés d’école, il ne me semblait pas évident qu’on se dirigeait vers un confinement.
Pour beaucoup, la première idée a été : « heureusement qu’il va faire beau, nous pourrons en profiter avec les enfants ». Pour ces derniers, seule se posait la question du mode de garde. Les Français n’étaient pas (encore) alarmés.
D’autant moins alarmés qu’ils étaient attendus en nombre aux urnes pour les élections municipales 3 jours plus tard, maintenues après avis scientifique.
Du côté du Bonheur en Boîte, la plupart des clients étaient également relativement sereins quant à leurs projets de voyages. Ceux qui n’avaient encore aucune raison « officielle » (et surtout aucun moyen) de reporter leur séjour, s’inquiétaient simplement de pouvoir encore souscrire une assurance annulation, au cas où…
Les fermetures de parcs et lieux touristiques
13 mars 2020. Le géant Disneyland Paris annonce sa fermeture temporaire jusqu’à la fin du mois de mars. Le Château de Versailles aussi.
Pour Le Bonheur en Boîte, comme pour la plupart des prestataires CSE, la fermeture de Disneyland Paris, géant des loisirs est un signe particulièrement fort.
En marge de la fermeture des écoles, la France interdit les rassemblements de plus de 100 personnes mais confirme le maintien des élections municipales.
14 mars : le Premier Ministre, M Edouard PHILIPPE, informe de la fermeture des lieux non essentiels recevant du public (restaurants, cafés, discothèques, cinémas …). Nous passons au stade 3.
Malgré tout, le premier tour des élections municipales est maintenu au 15 mars 2020. Ce samedi là, plusieurs manifestations sont organisées dans le pays : gilets jaunes, marches pour le climat …Les transports urbains continuent de fonctionner.
15 mars 2020. Le dimanche où tout a basculé?
Les images de Parisiens « inconscients » dans les parcs de la capitale auraient mis l’exécutif dans une colère noire. Les images de Français agglutinés dans les bureaux de votes auraient-elles eu l’effet inverse ? Sur le moral de l’exécutif, peut-être. Mais sur l’évolution du virus, ce n’est pas dit.
Le 15 mars au soir, on se demandait déjà si le second tour aurait lieu. Alors que 2 jours avant, nous étions invités à aller voter. En confiance. Alors même que le lundi suivant, la plupart des salariés étaient attendus à leur poste de travail.
Certains fustigent l’inconscience des Français, alors même que les élections ont enregistré un taux d’abstention record : beaucoup de Français ont donc préféré rester chez eux. Éviter d’inutiles et dangereux contacts. Rester confinés. Avant même le mot d’ordre.
Au 15 mars 2020, 5 423 cas et 127 morts sont recensés en France. Plus de 2 000 personnes sont déjà mortes en Europe.
Conformément aux exhortations du Premier Ministre la veille, la plupart des parcs et lieux de loisirs ferment leurs portes : le zoo de Beauval, les magnifiques châteaux de la Loire … Comme une extinction des derniers feux.
Le début du confinement
16 mars. Jour 1 sans école dans toute la France. Les parents actifs peuvent, depuis la fin de la semaine précédente, remplir une attestation pour rester à la maison auprès de leurs enfants:
Le soir même, le Président Macron annonce, sans jamais prononcer le terme, des mesures de confinement. Télétravail, mesures de chômage partiel, … un nouveau mode de vie se met en place.
Dans plusieurs entreprises, les élus CSE sont convoqués pour des réunions extraordinaires. À l’ordre du jour : conditions de continuité d’activité dans les entreprises, mise en place du télétravail, début de réflexion sur les mesures de chômage partiel … Les représentants nouvellement élus, et parfois même non encore formés, sont tout de suite immergés dans une crise sans précédent. Les entreprises non encore dotées de CSE, elles, font comme elles peuvent.
Un nouveau challenge pour toute une nation. Si aucune durée n’est annoncée par le gouvernement, le plan de gestion sanitaire prévoit que le stade 3 s’étale sur une période de 8 à 12 semaines.
Dès le lendemain, plusieurs autres parcs de loisirs annoncent leur fermeture temporaire ou, comme le Puy du Fou et le Parc Astérix, le report de leur ouverture.
L’épidémie à laquelle nous faisons face s’annonce dramatique : au niveau humain, avant tout.
Les chiffres au 30 mars 2020.
En ce 30 mars, alors que l’épidémie est loin d’avoir atteint son pic en France, les malades se comptent par milliers : 44 550 personnes sont contaminées et plus de 3 000 personnes ont, hélas, succombé à la maladie. Si le taux de décès est plus important parmi les personne d’un âge avancé, personne n’est épargné. Et parmi les victimes des chefs de famille mais aussi des salariés, des dirigeants … Par leur mobilisation, de nombreux syndicats le rappellent : le monde de l’entreprise est, de fait, durement touché.
Inquiétant : le personnel hospitalier dénonce des conditions de travail non sécurisées (pénurie de masques, notamment) et commence à compter des décès dans ses rangs.
Réclamations et inquiétudes également du côté des forces de l’ordre, qui dénombre des cas positifs au Coronavirus : les agents de l’État, en première ligne, sont directement impactés par la pénurie de matériel de protection.
On en revient nécessairement au plan de continuité d’activité : l’employeur, ici, l’Etat, prend-il toutes les mesures nécessaires à la santé et à la sécurité de ses agents?
De nombreuses syndicats dénoncent la gestion de la crise dans les établissements privés, mais aussi publics.
À ce stade de la situation, et alors que l’on semble assister avec fatalité à une forme d’hécatombe, le gouvernement s’émeut de « l’inconscience » des Français qui ne respectent pas un confinement rigoureux. Parallèlement, l’on réfléchit pourtant à la reprise de certaines activités économiques. « La vie économique de la Nation doit continuer« , a souligné M Macron. Comment faut-il l’interpréter ?
Continuité d’activité : tout un plan à élaborer
Le stade 3 du plan national de prévention et de lutte prévoit que l’Etat assure la continuité de la vie économique dans le pays, même en cas de crise sanitaire grave telle que celles que nous traversons.
Cela implique donc, au sein des entreprises, une nécessaire réflexion sur les modalités et mesures de sécurité à prendre pour assurer la continuité et/ou la reprise des activités. Les missions de services essentiels doivent continuer d’être assurées. Au niveau national, il existe un plan de continuité d’activité. On pourrait envisager que ledit plan se décline, avec quelques aménagements, au niveau des entreprises.
Les services essentiels
Au cours de ces derniers jours, nous avons beaucoup entendu parler des services non essentiels. Ceci amène logiquement à se poser la question de savoir quels sont les services jugés essentiels en cas de pandémie?
Ces services sont détaillés dans le plan national de prévention : les liaisons gouvernementales et chaînes de commandement, la Défense, l’eau potable, les établissements de santé, la collecte et le traitement des déchets ménagers, la gestion des déchets infectieux, énergies, communication, services financiers et bancaires, services postaux, approvisionnement alimentaire, transport, activités essentielles de justice, industries pharmaceutiques et médicales, les missions prioritaires de météo France …
Autant de secteurs dans lesquels les employeurs et partenaires sociaux, dont les élus CSE, seront amenés à réfléchir à la mise en place et / ou à l’optimisation d’un plan de continuité adapté à la crise sanitaire, dans le respect de conditions de sécurité strictes.
Les représentants du personnel pendant la crise sanitaire
Vie privée, vie professionnelle … la crise sanitaire que nous traversons fait craindre pour la vie. Tout simplement. Toute orientation et toutes facettes confondues. Peut-on envisager de reprendre certaines activités économiques ? Doit-on envisager d’arrêter d’en assurer certaines (cf question autour de certains transports, livraisons de colis, etc.) ? Autant de questions qui méritent d’être posées. De la même façon, il est utile de se pencher sur la situation des secteurs qui ne se sont jamais arrêtés, et dont l’arrêt n’est même pas à l’ordre du jour (secteur alimentaire), par exemple. Dans tous les cas, syndicats et élus CSE seront amenés à jouer un double rôle majeur : REPRÉSENTER les salariés auprès de la Direction d’une part, mais aussi INFORMER les salariés sur les mesures prises en amont.
Afin de mener à bien leurs missions, les élus CSE pourront s’appuyer sur diverses ressources mises à leur disposition par leurs syndicats. Il sera intéressant également de se tourner vers des organismes spécialisés pour un maximum de ressources documentaires sur la santé et la sécurité au travail. Parmi les acteurs du secteur, l’Institut National de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Sur son site internet, l’INRS met à disposition des informations d’actualité de nature à accompagner les entreprises, les représentants du personnel et les salariés en cette période inédite.
La position des élus CSE sur des questions clés et une communication claire seront nécessaires pour aider à faire régner un minimum de confiance de la part des salariés, très inquiets de leur devenir dans l’entreprise, mais plus globalement, inquiets pour leur vie. Il semble désormais certain que tous, nous devrons faire des efforts. La promesse de sortir indemnes de cette crise pourra difficilement être tenue.
Quelques liens utiles et sources
- OMS : compte-rendu de la réunion du 30 janvier 2020
- Santé Publique France
- Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) : http://www.sgdsn.gouv.fr
- COVID 19 : quelle prise en charge syndicale ?
- Droits pendant l’épidémie : dossier