Malmené par la crise sanitaire, le géant des loisirs Disneyland Paris, brise la magie. Alors que les portes des différents parcs Disneyland dans le monde restent closes, le groupe a annoncé au début du mois d’avril la rupture des contrats de certains de ses salariés. Les élus de CSE (comités sociaux et économiques), craignent que les salariés subissent les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus. À Disneyland Paris, environ 350 salariés intermittents du spectacle ont été remerciés. Le chiffre grimpe à 1300 si l’on inclut les personnes dont les contrats devaient commencer au 01er avril 2020. Sur les 17 000 autres salariés du groupe, près de 90% sont au chômage partiel.
Le cas de Disneyland Paris nous prépare-t-il à des scénarios dramatiques? La crise du COVID19 fera-t-elle de nombreuses autres victimes ? Allons-nous assister à des plans sociaux en série? Les élus CSE et représentants du personnel ont-ils un rôle à jouer?
Table des matières
COVID19 : dure réalité pour les entreprises.
« Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises » assurait le Président Macron le 12 mars 2020. Fidèle à cette promesse, l’État a déployé un arsenal de mesures :
– le report des échéances sociales et fiscales pour les entreprises
– le report des remboursements d’emprunts bancaires
– la généralisation du télétravail
– le recours facilité au chômage partiel, pris en charge par l’État
– la mise en place d’un fond de solidarité pour une aide financière des entreprises, notamment les plus modestes
…
Valeureuses et massives, ces mesures ne suffisent pas à taire les inquiétudes des dirigeants, des élus CSE et des salariés. Quel seront les impacts économiques et financiers de la pandémie sur leurs entreprises ?
De vives préoccupations sociales
Les premières conséquences du coronavirus sont humaines : à ce jour, des milliers de personnes en sont décédées. En France, plus de 17 000 personnes en sont décédées à mi avril 2020, et des dizaine de milliers de patients sont hospitalisés. Dans le prisme des projections sur le futur et au regard des premières retombées, l’on redoute de profonds bouleversements économiques. Selon certains analystes, 1/3 des restaurants par exemple ne se relèveront pas de la crise. De nombreux emplois sont menacés. Dans le cadre de leurs attributions économiques, les élus CSE seront massivement consultés dans les semaines à venir.
Malgré le plan de soutien, les entreprises sont en danger.
Si, à titre individuel, les aides pourraient permettre de tenir, au niveau des entreprises cela s’annonce plus compliqué. L’exemple de Disneyland Paris et des centaines de contrats rompus par le groupe nous plonge dans une réalité brutale. Les entreprises doivent, déjà, faire face à un véritable casse-tête financier.
Les recettes en berne
Les élus CSE et les syndicats doivent avoir une juste lecture de la réalité économique de leur entreprise. C’est seulement à cette condition que les négociations menées seront judicieuses, pertinentes et productives.
Dans son quotidien, toute entreprise est tenue d’assurer un équilibre entre les recettes qu’elle réalise et le poids de ses charges. Cet équilibre peut être précaire, ce qui est une bonne nouvelle lorsque le poids penche en faveur des recettes. Malheureusement, en cette période de pandémie, la plupart des entreprises ne font plus recette, n’ont plus de rentrée d’argent. Le déséquilibre est important : le poids des charges est beaucoup plus important que les recettes enregistrées. Ces dernières sont inexistantes, ou extrêmement faibles.
En prenant le cas extrême d’un restaurant par exemple, il n’y a plus du tout d’activité : les établissements sont clos. La population (les consommateurs, les salariés, les entrepreneurs) étant en situation de confinement, l’économie tourne en sous-régime.
Les charges qui s’accumulent
Mais alors que les recettes ne sont plus au RDV, les charges continuent de courir. Parmi les charges fixes, on citera quelques-unes des plus courantes :
– le loyer,
– l’assurance des locaux
– l’assurance professionnelle
– les salaires
– les charges et cotisations sur les salaires
– les charges courantes : eau, électricité, gaz
– les impôts et taxes
– le remboursement des emprunts bancaires et des intérêts afférents.
Pour se rendre compte de ce qui se passe, chaque élu CSE peut s’astreindre à ramener la situation à un niveau personnel. Quelle alternative si l’on n’avait plus de revenus mais que les charges restaient les mêmes ? Loyer, eau, électricité, gaz, besoins alimentaires, crédit auto, etc. ? La seule pensée d’une telle situation est, à juste titre angoissante.
Au niveau des entreprises, la problématique diffère peu. Cela vaut même si la gestion d’une entreprise diffère de celle d’un ménage, car les basiques sont les mêmes. Le risque de cessation de paiement est important.
Dans tous les cas, les élus CSE auront forcément cette analyse à l’esprit et conscience de cette réalité lors des réunions CSE avec les employeurs. Cet état d’esprit permettra d’avoir une approche pragmatique et sensée lors des échanges avec la Direction, d’avoir une contribution constructive aux réflexions sur la gestion de l’entreprise en période COVID19.
Les risques de faillite malgré les aides
Le coronavirus (covid19) aura créé des dégâts dans nos vies personnelles et professionnelles. Certains analystes estiment déjà que 1\3 des restaurants par exemple, mettront la clé sous la porte. Pourquoi? Comment est-ce possible malgré tout le dispositif d’aides mis en place par l’Etat?
Une des mesures les plus intéressantes pour les entreprises est, bien entendu, celui relatif à l’activité partielle. Rappelons que la mise en place d’aménagements et la réorganisation du travail nécessitent que les élus CSE émettent un avis consultatif.
Les entreprises qui font le choix de l’activité partielle s’allègent du poids de certaines charges :
– de tout ou partie du salaire de leurs employés
– des charges et cotisations sociales équivalentes
La masse salariale pouvant représenter parfois jusqu’à 80% des dépenses, cet allègement est une véritable aubaine pour les entreprises les plus fragilisées par la pandémie. Une bouffée d’air que les élus CSE et représentants syndicaux devront faire apparaître comme telle lors des négociations avec leur Direction.
Néanmoins, en marge de ce qui précède, les autres charges continuent de courir : loyers, charges courantes, assurances … À ces charges s’ajoutent les factures fournisseurs qui étaient en instance lors de la mise en confinement, d’où le risque de cessation de paiement évoqué supra.
L’exemple de certains parcs
Aussi intéressant que soit le plan de soutien, toutes les entreprises ne peuvent pas forcément y avoir recours. Prenons le cas des parcs animaliers par exemple : les recettes proviennent en grande partie des entrées, restauration dans le parc, vente de produits dérivés, hébergements …En période de confinement, les parcs sont fermés. Il n y a plus de recettes. Pourtant les charges, très lourdes, continuent de courir : il faut nourrir les bêtes, les soigner, nettoyer leurs enclos, assurer leurs entraînements physiques… Tout cela nécessite du personnel qui continuera donc de travailler, et sera rémunéré en conséquence. Cela nécessite en outre de continuer de s’approvisionner en produits alimentaires pour nourrir les animaux. Des dépenses incompressibles.
Dans une situation où la recette = 0€, les charges, dans ce cas de figure, s’amoncellent.
De nombreux parcs animaliers sont véritablement au bord de la faillite, et ils sont nombreux, comme le Parc animalier d’Auvergne par exemple, à compter sur la solidarité du grand public pour espérer traverser la crise. D’autres entreprises, toutes tailles et tous secteurs confondus, sont dans la même situation critique.
Assurer le paiement des charges sans avoir de recettes : on imagine sans mal que c’est cette équation qui sera particulièrement difficile à résoudre pour les chefs d’entreprise. C’est également à ce calcul que les représentants du personnel et notamment les élus CSE seront invités à s’intéresser lorsque leur seront dévoilées les différentes stratégies de leurs entreprises.
La masse salariale : variable d’ajustement ?
Ce qui fait craindre le drame social, c’est le fait que le coût de l’humain est, en entreprise, considéré comme la variable d’ajustement par excellence. Aux USA, les dirigeants expliquent que pour sauver les entreprises, les salariés devront accepter de perdre leur emploi. Afin de mieux le retrouver ultérieurement, une fois l’entreprise remise sur pied.
Aux États-Unis, 10% de la population active est tombée au chômage en 3 semaines. 17 millions de personnes se sont retrouvées sans emploi. Les prévisions les plus alarmistes prévoient que jusqu’à 30% de la population active pourrait se retrouver au chômage Outre-Atlantique.
Dans la plus grande puissance mondiale, à l’instar des hôpitaux, les banques alimentaires sont également débordées.
L’on peut donc s’interroger sur les effets sociaux de la crise en France. Certes, la question ne se pose pas à court terme, grâce aux aides de l’État, mais après? L’avenir est très incertain quant aux solutions qui seront adoptées par les entreprises afin d’amortir les dégâts de la crise sanitaire à plus long terme.
Dans l’incapacité de payer leurs charges, les entreprises feront face à un déséquilibre financier en leur défaveur : plus de charges que de recettes. Dans cette configuration, la stratégie sera donc d’alléger les charges au maximum.
La masse salariale représentant un taux significatif, l’on peut craindre que ce poste soit le premier impacté par les mesures de restriction qui seront adoptées par les dirigeants pour retrouver un certain équilibre financier.
Les élus au comité social et économique (CSE), devront être particulièrement vigilants.
Le rôle des élus CSE en cette période de crise.
Les élus CSE donnent un avis consultatif aux orientations économiques et sociales de l’entreprise. En cette période inédite et nébuleuse, les élus CSE sont particulièrement sollicités et le seront bien davantage au fil des semaines à venir. Leur avis consultatif sera requis pour des questions d’ordre stratégique économique, mais aussi sur la politique sociale de l’entreprise.
L’action concrète des élus CSE
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Se tenir informés
Pour faire face à la situation, l’État a pris de nombreuses mesures qui modifient le Code du Travail en profondeur. Certaines mesures sont prises dans le contexte d’urgence que nous traversons, et valables jusqu’au 31 décembre 2020, mais d’autres seront valables même après la crise.
Dans ce contexte, se tenir informés de l’actualité juridique et sociale liée au COVID19 peut aider les élus CSE dans leur mission : magazines spécialisés et sites dédiés, syndicats… Toutes les ressources doivent être mises à profit pour glaner un maximum d’informations et consolider ses connaissances en cette période. Gardons à l’esprit que toute modification du Code du travail a forcément un impact sur les conditions de travail des salariés. Or veiller aux conditions de travail relèvent des attributions des élus CSE.
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Se faire accompagner par des experts : juristes, financiers
Une autre action concrète pour les élus CSE serait d’opter pour un véritable accompagnement. De nombreux prestataires CSE spécialisés proposent leur expertise en matière sociale, économique et financière. Être accompagné pour l’analyse et la compréhension de tableaux financiers peut s’avérer particulièrement utile afin d’être sûr de comprendre les orientations et les choix de l’entreprise et les valider ou pas en connaissance de cause. Autre avantage, se faire accompagner par un expert CSE juridique et/ou financier permet par ailleurs aux représentants du personnel de bénéficier des retours d’expériences dont jouissent ces prestataires CSE, qui sont en contact régulier avec des problématiques CSE diverses et variées.
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Rester mobilisés
En cette période compliquée, parce que si profondément anxiogène et qui freine toute projection vers le futur, nous sommes nombreux à nous sentir démunis. Les élus CSE n’échappent pas à cet état d’esprit. Certains ont été touchés de très près par la maladie, d’autres traversent des moments particulièrement difficiles, et pour les autres, le sentiment qu’« il n y a rien à faire » peut prévaloir.
Au même titre que les dirigeants des entreprises, chaque représentant du personnel, chaque élu CSE, chaque salarié doit rester mobilisé et faire l’effort de penser à l’après. Mais avant même d’aller si loin, penser optimisation des conditions de travail et de la situation des salariés pendant la crise doit être un objectif prioritaire.
Les moyens dont disposent les élus CSE
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Les heures de délégation
En cette période de confinement, les élus CSE disposent toujours de leurs heures de délégation. Ces heures seront utilisées pour échanger avec les autres collègues élus, mais aussi avec le reste des salariés.
Les heures de délégation seront également utilisées pour le temps passé à faire des recherches, à s’informer voire à se former dans le cadre des attributions et du mandat en tant que élu CSE.
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Le budget de fonctionnement
Les élus CSE bénéficient d’une subvention financière de l’employeur. Une partie de cette subvention est affectée au fonctionnement du comité social et économique (CSE). Le coût des expertises pour des conseils juridiques, financiers, voire HSE en cette période de crise sanitaire, sera imputé sur le budget de fonctionnement. Certaines expertises pourront faire l’objet d’un cofinancement de l’employeur.
CSE : gérer la crise, et préparer l’après.
La crise du coronavirus est source d’un profond bouleversement au niveau mondial. La pandémie a déjà fait plus de 140 000 morts sur la planète à ce jour.
Les répercussions pour notre économie sont, pour l’instant, incommensurables. Les mesures pansements dont nous bénéficions en France devront certainement être accompagnées de nombreux autres dispositifs et stratégies en parallèle, directement au sein de chaque entreprise. Le risque est que les salariés, et donc la masse salariale, soient la principale variable d’ajustement pour maintenir les entreprises à flots. À moins que les entreprises soient promptes, non pas à supprimer massivement des groupes entiers de salariés aux revenus modestes, mais à revoir à la baisse certains taux de rémunération parmi les plus élevés. À Disneyland Paris par exemple, 20 salariés se sont vus proposer une baisse de leur salaire de 20 à 30%.
Sur la même lancée, Monsieur Arnault (PDG de LVMH) a récemment annoncé renoncer à 2 mois de salaire et à toute part variable en 2020. De tels scénarios amènent à s’interroger et à exhorter à une nouvelle approche quant au pilotage de variables d’ajustements moins dramatiques et plus justes.
Les salariés pourront compter sur leurs représentants, élus CSE et syndicats, pour faire valoir des arguments issus du terrain. Les élus CSE seront les garants d’une touche d’humanisme dans les décisions qui seront prises pour surmonter la crise.
Nous devrons nous réinventer. « Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant » nous a-t-il été rappelé. Toutes les forces en présence devront s’engager dans une mission de reconstruction, contribuer à une version meilleure de l’entreprise de demain. Du monde d’après.